Le chardon

Encore une plante piquante : le chardon.

Le chardon est un terme générique qui désigne de nombreuses espèces de plantes épineuses. La plus commune est le cirse des champs, dont je parlerai surtout ici.

Très impopulaire, le chardon ! Et surtout auprès des agriculteurs. On les comprend un peu : une fois installé, le chardon se propage non seulement par les milliers de graines que chaque plante produit, mais aussi par son rhizome (tige souterraine) qui se développe souvent sous la couche de terre travaillée. Pendant que l’on arrache les parties aériennes de la plante, le rhizome prépare sournoisement la génération suivante ! De plus, le chardon aime les sols riches (ne dit-on pas « terre à chardons, terre à millions » ?) et entre donc en compétition directe avec les agriculteurs. Qui ont fait voter dans beaucoup de pays, dont la Belgique, des lois obligeant les propriétais terriens à éradiquer cette « mauvaise herbe » (je préfère le terme « adventice », un synonyme qui fait preuve de plus d’objectivité botanique).

Je vais malgré tout essayer de le défendre, ce pauvre petit chardon. Et j’ai trouvé des alliés : les Ecossais, les Lorrains et les Bourguignons (une coalition un peu hétéroclite, je le reconnais, mais on fait avec ce qu’on a)

Le chardon est l’emblème de l’Ecosse. La légende raconte qu’un Viking aux pieds nus, lors de l’approche nocturne d’un campement écossais, aurait involontairement crié de douleur et donné l’alarme en marchant sur un chardon ; suite à quoi les Vikings auraient ramassé une râclée. Plutôt qu’à cette origine douteuse de l’emblème, je crois plus à la version plus symbolique : le chardon était chez les Celtes un symbole de noblesse, puisque nobles et chardons ne se laissent pas molester sans infliger de peine en retour.

Un peu dans le même esprit, les ducs de Lorraine avaient adopté le chardon comme emblème et, pour que l’intention soit tout-à-fait claire, l’avaient souligné de leur devise : « qui s’y frotte, s’y pique ».

Les Bourguignons, eux, sont à juste titre très fiers de leur cépage d’origine locale, le Chardonnay. Chardonnay vient probablement du latin cardonnacum (un lieu plein de chardons). Cardonnacum dérivant de carduus, chardon.

Maintenant que j’ai rassemblé mes troupes, attaquons ! Les graines de chardons constituent la nourriture préférée des ... chardonnerets qui s’accrochent habilement aux capitules épineux et les dépouillent de leur bec fin. Le chardon est aussi la plante nourricière exclusive de la Belle-Dame (Vanessa cardui), ce merveilleux papillon qui est aussi un de nos insectes migrateurs (une première génération naît dans l’Atlas marocain, une deuxième sur la rive nord de la méditerranée et une troisième dans nos régions ; c’est cette dernière qui retourne d’une traite vers l’Atlas pour recommencer le cycle).

La Noctuelle purpurine (Eublemma purpurina) est un autre papillon, de nuit celui-là, migrateur et dépendant du chardon pour la nourriture de ses chenilles. Le Drap d’or (Gortyna flavago), lui, reste sagement dans nos régions.

Ah, j’oubliais de mentionner, pour les gourmands, que les jeunes tiges se consomment crues, et leur saveur est à la fois sucrée et salée. Alors, toujours envie de vous acharner sur les chardons de votre jardin ?

P.S. pour les botanistes (les gens normaux n’ont rien à cirer de ce genre de considérations) : les principaux genres de chardons sont les chardons proprement dits (Carduus sp) et les cirses (Cirsium sp) ; les akènes de tous les chardons sont surmontés de soies qui les aident à être emportés par le vent : celles des Carduus sont lisses, celles des Cirsium sont plumeuses.