La cardère

Dans notre série des plantes piquantes: la cardère

Encore une plante qui pique! Notre curiosité, avant tout. Maintenant que vous savez tout sur les orties, les ronces et les chardons, vos convictions éventuelles en faveur des pelouses vertes monospécifiques commencent  - je l’espère – à être ébranlées.

La cardère est une plante très commune, ce qui fit sans doute écrire par Paul Féval, dans son roman “le Bossu”: “Si tu ne viens pas à la cardère, la cardère ira à toi”. Vous l’avez certainement déjà rencontrée, au Scheutbos ou ailleurs. C’est qu’elle ne passe pas inaperçue: 1.5 m de hauteur, avec une floraison remarquable de couleur lilas-rosé. Même en hiver, sa tige et son capitule séchés attirent le regard.

 

Au printemps, des rosettes de feuilles basilaires épineuses trahissent sa furieuse envie de venir vous épater. Puis la tige (épineuse elle aussi) pousse, et avec elle des couples de feuilles épineuses qui sont soudées à leur base, formant des entonnoirs qui recueillent la rosée et l’eau de pluie, pour le plus grand bonheur des petits passereaux, qui viennent s’y abreuver. Et au bout de la tige va se développer le capitule, dont la floraison mérite d’être vue en vidéo accélérée: une zone moyenne fleurit d’abord, puis s’étend progressivement vers le bas et vers le haut; une zone inférieure fleurit ensuite et vient à la rencontre de la première. La nature fait du septième art. Les bractées de l’inflorescence dépassent longuement les fleurs, et sont rigides et pointues.

Les noms communs et latins qui lui sont associés créent beaucoup de confusion, même chez les botanistes avertis. Tentons d’y mettre un peu d’ordre.

Les capitules séchés ont longtemps servi à carder la laine, c’est-à-dire à démêler les brins. Les capitules étaient enfilés sur des broches et, pour une efficacité maximum, on a bien entendu recherché et sélectionné les capitules les plus allongés et les plus cylindriques possible: la sélection humaine, à l’instar de la sélection naturelle, a favorisé les gènes correspondants et produit une variété cultivée (Dipsacus sativus) que certains aujourd’hui considèrent comme une espèce différente de l’espèce sauvage (Dipsacus fullonum); d’autres botanistes préfèrent parler de deux variétés de la même espèce: Dipsacus fullonum subsp sativus et Dipsacus fullonum subsp sylvestris. Mais laissons les botanistes à leurs démêlés, ce qui est bien à propos pour la cardère. Ajoutons cependant qu’un nom commun souvent utilisé est particulièrement inapproprié: “herbe aux foulons”; le foulage est l’application d’une pression sur les tissus pour les rendre plus serrés, ce qui est à l’opposé de l’étirement associé au cardage.

 

 

 

Dipsacus fullonum 3

Dipsacus fullonum 5

 

La réserve d’eau accumulée par les paires de feuilles caulinaires est à l’origine du  nom scientifique de la cardère: Dipsacus vient du grec dipsa, soif. De même pour le nom commun le plus courant: cabaret des oiseaux.

Bon, puisque son utilisation industrielle relève du passé, à quoi sert la cardère aujourd’hui? Les graines, comme celles des chardons, sont particulièrement appéciées des chardonnerets suffisamment habiles pour les picorer sans se piquer. Elle sert de plante nourricière à une dizaine d’insectes (diptères, hémiptères, hyménoptères) et est butinée par de nombreux pollinisateurs. Et le plaisir de nos yeux?

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