Au printemps, des rosettes de feuilles basilaires épineuses trahissent sa furieuse envie de venir vous épater. Puis la tige (épineuse elle aussi) pousse, et avec elle des couples de feuilles épineuses qui sont soudées à leur base, formant des entonnoirs qui recueillent la rosée et l’eau de pluie, pour le plus grand bonheur des petits passereaux, qui viennent s’y abreuver. Et au bout de la tige va se développer le capitule, dont la floraison mérite d’être vue en vidéo accélérée: une zone moyenne fleurit d’abord, puis s’étend progressivement vers le bas et vers le haut; une zone inférieure fleurit ensuite et vient à la rencontre de la première. La nature fait du septième art. Les bractées de l’inflorescence dépassent longuement les fleurs, et sont rigides et pointues.
Les noms communs et latins qui lui sont associés créent beaucoup de confusion, même chez les botanistes avertis. Tentons d’y mettre un peu d’ordre.
Les capitules séchés ont longtemps servi à carder la laine, c’est-à-dire à démêler les brins. Les capitules étaient enfilés sur des broches et, pour une efficacité maximum, on a bien entendu recherché et sélectionné les capitules les plus allongés et les plus cylindriques possible: la sélection humaine, à l’instar de la sélection naturelle, a favorisé les gènes correspondants et produit une variété cultivée (Dipsacus sativus) que certains aujourd’hui considèrent comme une espèce différente de l’espèce sauvage (Dipsacus fullonum); d’autres botanistes préfèrent parler de deux variétés de la même espèce: Dipsacus fullonum subsp sativus et Dipsacus fullonum subsp sylvestris. Mais laissons les botanistes à leurs démêlés, ce qui est bien à propos pour la cardère. Ajoutons cependant qu’un nom commun souvent utilisé est particulièrement inapproprié: “herbe aux foulons”; le foulage est l’application d’une pression sur les tissus pour les rendre plus serrés, ce qui est à l’opposé de l’étirement associé au cardage.